Le point de vue du psy
Confrères et consœurs qui me lisez, il est possible que ce sujet vous tienne particulièrement à cœur. Quel psychologue n’a pas fait l’expérience d’un lapin posé ? Qu’il s’agisse d’un premier rendez-vous pour une personne qui ne donnera jamais suite sans prévenir ou d’une personne suivie qui abandonne la psychothérapie sans venir au prochain rendez-vous pourtant planifié, cela finit toujours par nous questionner. Plusieurs réflexions émergent alors : Pourquoi la personne a agi ainsi ? N’aurait-elle vraiment pas pu prévenir ? Au delà du désagrément de l’heure perdue, c’est parfois tout un trajet qui a été effectué pour rien, et la déception d’un psychologue investi, prêt et disponible psychiquement pour une personne qui lui a fait faux bond.
Certains d’entre nous sont plus habitués que d’autres à ce phénomène et jonglent plutôt bien avec. Pour les jeunes praticiens, c’est parfois plus difficile que cela. Le risque de tomber dans des questionnements autour de sa pratique et de sa légitimité est de mise, surtout lorsqu’il s’agit d’un patient qui ne reviendra jamais. Est-ce ma faute ? Ai-je été inattentif à certains éléments ? Qu’aurais-je pu faire pour éviter cela ? Un trop grand nombre de lapins pouvant parfois également amener un stress financier pour ceux installés en libéral.
Le lapin, à qui la faute ?
En réalité, le lapin, c’est un enchevêtrement de facteurs qui dépendent et qui ne dépendent pas de nous. Pour un premier rendez-vous non honoré, il n’existe à mes yeux pas de scénarios où le professionnel doive nécessairement se remettre en question. Il n’y a jamais eu le temps de se rencontrer, d’échanger, et cette opportunité a été coupée par la personne qui a pris rendez-vous. Pas de panique donc, même si cela peut être fortement désagréable.
S’il s’agit d’un rendez-vous de suivi qui n’a pas été honoré, c’est différent. L’alliance a t’elle été bien posée ? L’approche du premier entretien a t-elle été la bonne ? Qu’est-ce qui fait que cela n’a pas fonctionné, selon nous ? Je pense pour ma part que prendre le temps d’observer et d’analyser la situation est obligatoire. Cela permet de prendre le recul nécessaire sur certains points et peut nous permettre d’accéder à des points d’amélioration. Cependant, pas question de se miner le moral pour autant. Nous ne pouvons simplement pas être garantis que cela « matche » avec chaque personne qui vient nous consulter. De la même manière, nous devons nous rappeler de la lourdeur que peut représenter un travail psychothérapeutique.
Plaidoyer pour nos patients
Entamer la démarche d’aller voir un psychologue n’est pas évidente. C’est se montrer vulnérable, s’ouvrir à une personne que l’on ne connaît pas et parier sur le fait que cela va nous permettre d’aller mieux. D’autant plus que la profession est parfois méconnue, que l’on ne sait pas quel thérapeute serait le plus adapté pour nous, et que nous avons tous déjà entendu un proche dire qu’il avait été en thérapie et que cela ne lui avait pas servi.
Il est fréquent que nous psychologues entretenions l’idée selon laquelle nous devrions pouvoir aider tout le monde au mieux, et c’est probablement cette raison qui nous pousse à exercer ce métier. Ainsi, réaliser que l’on aurait pu accompagner une nouvelle personne et que cette opportunité a loupé n’est pas forcément aisé pour tous. Pour autant, la temporalité psychique de chaque personne exige que nous prenions de la distance avec cette idée.
Peut-être n’est-ce pas le bon moment pour la personne ? Peut-être que l’acte de prendre rendez-vous puis de ne pas l’honorer a une raison bien plus complexe et bien plus profonde que ce que nous envisageons ? Et si ne pas venir était la meilleure chose qui pouvait arriver à la personne ? Nous ne savons en réalité pas tout et de la même manière, ne pouvons pas tout prévoir. Les TCCistes l’auront remarqué, des tas de pensées alternatives existent pour nous faire dédramatiser et nous sortir de nos croyances potentiellement erronées.
Je suis une personne qui a posé un lapin à son psychologue
Si vous êtes dans ce cas de figure et que vous lisez cet article, je vous en suis fortement reconnaissante. Vous pouvez d’ailleurs vous congratuler d’avoir pris le risque que cette lecture soit désagréable, mais d’avoir franchi le pas malgré tout. Rassurez-vous, l’objectif ici n’est pas d’incriminer qui que ce soit. Les lapins sont des évènements de la vie et tous les professionnels le savent : cela fait partie du jeu.
Vous avez posé un lapin à votre psychologue et maintenant, que faire ? Si vous ressentez le besoin de vous excuser, un message ou un coup de téléphone même après les faits peut être très apprécié. Nous sommes des humains avant tout, et nous pouvons faire preuve de compréhension et d’empathie (d’autant plus dans notre métier!). Agir ainsi peut d’ailleurs débloquer un échange avec votre psy sur le pourquoi du comment, et cela pourrait même vous être bénéfique.
Vous n’avez pas honoré votre dernier rendez-vous et souhaitez reprendre votre suivi ? Nous savons qu’une psychothérapie peut constituer des hauts et des bas et que parfois la pensée de l’inutilité ou de la lassitude peuvent apparaître. Vous aviez peut-être des attentes différentes par rapport à votre suivi, ou vous n’étiez peut-être pas sûrs de la démarche empruntée par votre thérapeute ? Tout cela peut également être abordé avec lui directement. Votre psy se doit de prendre le temps d’être transparent avec vous et de vous accompagner, même dans vos incertitudes et vos incompréhensions.
Le lapin de la fin du monde ?
Nous sommes professionnels de santé mentale. Il est évident que nous travaillons avec des personnes qui ont des bagages personnels lourds à porter, et nous en avons pleinement conscience. Nous savons que pour certains, passer un coup de fil d’annulation peut être challengeant. Et puis, parfois, le rendez-vous tombe pile le jour où psychologiquement, rien ne va et il est trop difficile de se rendre à la rencontre prévue. Nous savons aussi que l’idée de venir nous voir pour la première fois peut être effrayante. Voir un psy n’a jamais été anodin, et même si nous sommes probablement tous d’accord pour se dire qu’il faudrait rendre la psychologie plus transparente et accessible, on sait à quel point le mystère et le manque d’information tourne autour de notre beau métier. Je me permets donc une piqûre de rappel ici :
Votre psychologue ne vous jugera pas dans vos difficultés.
Votre psychologue ne vous en voudra pas si vous avez du mal.
Votre psychologue est là pour vous, à votre rythme.
Vous avez le droit d’être en difficulté, d’avoir du mal, et de ne pas y arriver. Cela fait partie de la vie. Votre thérapeute se remettra de votre lapin, et vous aussi.
Oui, votre psy a perdu du temps, une part de salaire, oui il aurait sûrement préféré que vous le préveniez, mais ce n’est pas la fin du monde pour autant. Si la prochaine fois vous pouvez prévenir, ou en discuter directement avec votre thérapeute, cela serait formidable. Mais hélas, pas d’illusions : nous ne vivons pas dans un monde qui permette cela de manière systématique.
D’humain à humain, dans un cadre défini
Cet article se voulait de dédramatiser la question des lapins et des conséquences qu’ils engendrent. Toutefois, un point reste très important à aborder pour les patients qui nous lisent : celui du cadre. Explications.
Le thérapeute travaille avec son propre cadre de travail, qu’il énonce normalement à la première séance. Il peut demander un certain délai pour l’annulation ou la modification de rendez-vous et vous explique les modalités pour ce faire. Effectivement, en psychothérapie, il y a un cadre, et il faut pouvoir le respecter pour permettre la meilleure relation possible entre vous et votre psy. Chacun ne fait pas ce qu’il veut : les rencontres durent un certain temps, sont planifiées à une telle fréquence, et ont lieu les jours définis ensemble. Pour que le travail thérapeutique prenne place, il faut qu’une alliance s’instaure entre le professionnel et la personne qui vient le consulter. Difficile de collaborer ensemble quand l’une des parties ne respecte pas les termes du contrat ! Enfin cela va sans dire, votre psychologue doit également respecter le cadre de la psychothérapie.
En dehors des arguments thérapeutiques, il faut aussi se rappeler que votre psy est humain, comme vous. Il passe peut-être lui aussi une mauvaise journée, a peut-être déjà enregistré deux ou trois lapins ce matin et préférerait sûrement avoir un message d’annulation plutôt que d’attendre après une autre personne qui ne viendra jamais. Au delà du métier, nous avons aussi besoin de voir que nous sommes respectés, en tant que psychologue, mais aussi en tant que personne. Notre métier encourage l’empathie et la bienveillance, et je suis à titre personnel convaincue que nous pouvons avancer, patients et thérapeutes, au plus près de ces deux belles valeurs, ensemble. Puisque nous nous tenons disponibles pour vous, il faut aussi que vous nous aidiez à vous aider. L’idée est, comme toujours, de coopérer ensemble. Alors si possible, faisons-le dans les meilleures conditions possibles, pour vous comme pour nous !
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